(photo extraite de l’émission de France 2)
Edouard Philippe était l’invité de « L’émission politique » de France 2 jeudi dernier. J’étais surtout intéressé sur ses déclarations concernant le réchauffement climatique. Mais au final l’émission m’a surtout étonné par le niveau de méconnaissance des journalistes.
Je recopie ci-dessous les échanges concernant le réchauffement climatique (en 0h43) :
– Edouard Philippe : « Les émissions de gaz à effet de serre, c’est plusieurs choses : d’abord la production d’énergie. En France, elle est en fait assez peu concernée pour une raison simple, c’est que… »
– Léa Salamé (coupant la parole) : « [Non, regardez, là vous avez les chiffres, c’est surtout le bâtiment] »
[Edouard Philippe a commencé à expliquer les sources d’émissions de gaz à effet de serre mais est interrompu à sa première énumération de sa liste par Léa Salamé qui n’a pas compris la différence entre production d’énergie électrique et rejet de gaz à effet de serre, et oppose à Edouard Philippe un raisonnement qui n’a rien à voir (les retards par rapport aux objectifs de l’Accord de Paris)]
– Edouard Philippe : « C’est ce que j’allais vous dire, mais la production d’énergie c’est quand même… (montrant du doigt avec un léger agacement l’écran qui a changé lorsqu’il a été coupé par Léa Salamé) L’image que vous aviez [juste avant] c’était des cheminées et de la production d’énergie… »
– Léa Salamé (re-coupant la parole) : « Oui mais là on a le détail (léger rire). »
– Edouard Philippe (reprenant son énumération) : « [Ensuite] le transport, le bâtiment, et l’agriculture.
Sur le transport – je suis sûr qu’on y viendra tout à l’heure – on a assumé… »
– Thomas Sotto (coupant la parole) : « Moi j’ai une question très concrète sur le transport. »
– Edouard Philippe : « …on a assumé quelque chose de très impopulaire. Car tout le monde considère qu’on doit changer de modèle, tout le monde considère que c’est une bonne chose d’avoir une trajectoire carbone. Je vous rappelle que les candidats à l’élection présidentielle autres qu’Emmanuel Macron avaient tous dans leur programme une trajectoire carbone. Pourquoi ? Parce que si on veut cesser les émissions de gaz à effet de serre, il faut « décarboner » l’économie. Et donc nous avons appliqué cette trajectoire carbone (assez ambitieuse, c’est vrai) qui se traduit par une fiscalité très impopulaire (j’en ai parfaitement conscience) sur le diesel et sur l’essence. Mais… »
– Thomas Sotto (coupant la parole) : « A propos de fiscalité… »
– Edouard Philippe : « …mais, mais, reconnaissez avec moi qu’on ne va pas s’en sortir si, quand on prend une mesure fiscale courageuse, difficile, qui a un impact sur la vie quotidienne des gens, on nous dit « Ah oui mais là vous avez un impact sur la vie des gens, ce n’est pas bien », et en même temps « Vous ne bougez pas assez sur le sujet ».
– Thomas Sotto (coupant la parole) : « A propos de fiscalité… »
– Edouard Philippe : « On doit être cohérents. Et nous on essaye d’être cohérents. »
– Thomas Sotto (coupant la parole) : « A propos de fiscalité […] est-ce que vous allez faire l’écotaxe sur les poids lourds ? Oui ou non ? »
– Edouard Philippe : « Pas sur le modèle de l’écotaxe. »
– Thomas Sotto : « D’accord, mais est-ce qu’il y aura une vignette – l’écotaxe c’étaient les portiques qu’on a tous connus – est-ce qu’il y aura une vignette pour tous les poids lourd étrangers qui traversent la France ? »
– Edouard Philippe : « Les portiques, M. Sotto, on ne les a pas connus, ils ont été installés, ça a coûté très cher et ensuite le gouvernement a décidé de ne pas le faire et on continue à payer la facture. Pardon, j’aime beaucoup quand on nous fait des leçons sur – je ne parle pas de vous – je parle d’un certains nombre de gens qui étaient aux manettes avant, l’écotaxe ça servait quand même à financer des infrastructures de transport non carbonées, des infrastructures ferroviaires, et ça a été abandonné en pleine route et ça coûte très cher… Ce à quoi nous réfléchissons avec la ministre des transports Elisabeth Borne, c’est un système qui permet de dégager des ressources pour entretenir le réseau routier (il y a un enjeu considérable, il a été mal entretenu pendant très longtemps) et essayer d’accélérer la décarbonisation de l’économie. Pour ça on est en train de réfléchir à quelque chose qui ne serait pas l’écotaxe, qui s’inscrirait plutôt dans le modèle promus par l’Union Européenne, puisqu’il a des systèmes de vignette qui sont envisagées, qui mettraient à contribution les poids lourds étrangers qui traversent la France […]. »
(transcription Godefroy Troude)
Une analyse personnelle :
– Non seulement Léa Salamé et Thomas Sotto n’ont cessé d’interrompre leur invité, mais surtout leurs arguments étaient souvent erronés, témoignant d’une méconnaissance de leurs sujets.
– Ambiance de jeu télévisé, ils demandent à Edouard Philippe de s’auto-évaluer. Je trouve qu’ils pourraient se l’appliquer à eux-même…
Introduction (extrait de l’émission)
Sotto et Salamé demandent à Edouard Philippe de se mettre une note (extrait de l’émission)
Une « émission politique » qui n’en avait que le nom. Je me suis plus senti dans une ambiance Ruquier ou Ardisson que dans une émission politique. J’ai craqué après les 50 premières minutes de l’émission et n’ai pas tenu jusqu’au combat de boxe annoncé par Léa Salamé Laurent Wauquiez.
[MAJ] Télérama publie une chronique assez détaillée et critique sur le format et la tenue de l’émission, accessible ici.
La manière de faire de Léa Salamé est en effet assez éprouvante. Niveau de connaissance très moyen, volonté de chercher systématiquement un angle d’attaque plutôt qu’un angle de débat.
On retrouve la même manière de faire dans son émission culturelle : recherche du sensationnel et peu de fond. Il faut que ça claque sur la forme, pour faire le buzz. Dommage.