Manifestants anti-Brexit devant le Conseil européen, jeudi 21 mars (Frank Augstein – AP)
A quelques jours de sa sortie de l’Union Européenne, le Royaume-Uni est secoué par une pétition réclamant l’annulation du processus. Créée le 20 mars, elle rencontre un succès fulgurant, avec 1 million de signataires en 24 heures, et a franchi les 5 millions hier (près de 5,5 millions de signataires ce midi) . Samedi dernier, un million de personnes ont également manifesté à Londres pour rester dans l’UE (photos et vidéo). [MAJ du 3 avril : les 6 millions sont franchis].
Nombre de signataires à 13h30 (source parliament.uk, image simplifiée)
Répartition des signataires à 13h30 (source parliament.uk, image simplifiée)
J’évite habituellement de donner mon opinion personnelle, mais je fais une exception ci-dessous :
La Chambre des Communes du Royaume-Uni a rejeté une sortie sans accord, et également une sortie avec l’accord (préalablement négocié avec l’UE). Le parlement est incapable de trouver une majorité pour appliquer la volonté du peuple (sortir de l’Union Européenne) sans nuire aux intérêts du pays, c’est à dire sans dégrader l’économie, restreindre libertés de circulation et d’entreprendre, et sans faire courir de risques majeurs sur l’existence même du Royaume-Uni (probable indépendance de l’Ecosse, risque de retour de guerre civile en Irlande). Il est du rôle de ces parlementaires élus de revenir vers le peuple pour dire qu’ils n’arrivent pas à appliquer la volonté du peuple.
Le référendum est un outil de liberté, mais sur des sujets aussi complexes il peut devenir dangereux, surtout quand une part des politiques fait de la désinformation, une autre pas assez de pédagogie, et qu’entre les deux les médias agitent le chiffon rouge pour survivre économiquement. Si nos pays sont des démocraties représentatives c’est parce qu’il est préférable de faire gérer les sujets complexes par des experts. Le niveau de compréhension des citoyens sur les interactions économiques, sociales et politiques de leur pays avec l’UE est insuffisant pour prendre des décisions éclairées (ceci n’est d’ailleurs pas limité qu’au Royaume-Uni, et pas limité aux citoyens non plus : certains politiques ont des méconnaissances dramatiques des sujets). Nous avons besoin d’experts (et de contrôle des politiques mises en œuvre), mais surtout nous avons besoin de confiance mutuelle, de dialogue et de pédagogie, du citoyen jusqu’au sommet de l’État.
Dans le cas du Royaume-Uni – dont j’espère qu’il restera dans l’UE ou le plus proche possible de l’UE – quelle que soit l’option finale (sortie ou non de l’UE) le pays est de toutes façons perdant et décrédibilisé pour longtemps sur le plan européen. Et peut-être plus longtemps que la France en 2005 après avoir bloqué l’Union par son rejet de la Constitution Européenne.