Diana Rigg : disparition d’une icône

1966. Diana Rigg et Patrick Macnee (photo Terry O’Neill)

Diana Rigg nous a quittés. Partenaire de Patrick Macnee dans la série « Chapeau melon et Bottes de cuir » s’étalant en 8 saisons de 1961 à 1977, elle prend en 1965 la suite de l’actrice Honor Blackman (récemment disparue également) et devient en deux saisons une icône de la femme indépendante, moderne et élégante de la fin des années 1960.

Dans cet article :
– Galerie photo.
– Entretien public de Diana Rigg au British Film Institute.
– Extraits d’interviews de Patrick Macnee et Diana Rigg
– Quelques mots supplémentaires.
– Un hommage également à Honor Blackman.

 

Galerie photo

 

1965. Générique saison 4, noir et blanc (photo X)
1965 Répétition prise de Judo avec instructeur (photo X)
1965. Photo de promotion, recadrée – On devine Steed à droite (photo Hulton Archive)
1967. Générique saison 5, couleur (photo X)
1967? Diana Rigg (photo X)

 

Entretien public de Diana Rigg au British Film Institute

 

Pendant plusieurs décennies, Diana Rigg a refusé de parler de Chapeau melon et bottes de cuir, une simple parenthèse pour elle, un tournage de plus d’un an, mais une production parmi tant d’autres dans sa longue carrière. Mais pourtant, depuis le début des années 2010, elle accepte plus volontiers de revenir sur le tournage de cette série. Ci-dessous, une traduction des meilleurs moments d’un entretien public au British Film Institute en octobre 2015 après la diffusion restaurée de l’épisode « The house that Jack built ».

Diana Rigg : « Je travaillais pour la Shakespeare Company depuis longtemps […]. J’ai passé une audition pour Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir). J’ignorais totalement ce qu’était la série, mais ce qui était vraiment charmant c’était Patrick Macnee, d’une gentillesse incroyable et qui m’a beaucoup aidé pour mon essai. Je pense qu’il a influencé les producteurs. Toujours est-il que j’ai été choisie ! […] Patrick Macnee était tout simplement adorable. Il adorait son travail, ce que je partageais également. Nous étions sur la même longueur d’onde sur cette série. Les scénaristes bouillonnaient d’idées spirituelles pour mettre des cadavres sur notre chemin, et sur ce type de scènes Patrick et moi avions proposé d’écrire nos propres dialogues, ce que les producteurs ont eu la gentillesse d’accepter. Nous formions une équipe très soudée.
J’ai quitté la série car j’avais vraiment envie de faire d’autres choses. Mais j’étais amoureuse de Patrick, c’était comme une rupture sentimentale. Il a été incroyablement généreux devant ma décision. Je lui en serai toujours reconnaissante. Il ne m’a jamais culpabilisée. Au contraire il m’a encouragée à suivre ma décision. J’ai été très peinée de son décès [c’était il y a quatre mois]. »

British film institute : (à propos de l’ambiguïté érotique entre Steed et Mme Peel)

Diana Rigg : « Cette ambiguïté « peut-être qu’ils pourraient… » était une tension qui imprégnait chaque scène, laissant le spectateur dans l’expectative. Mais Patrick et moi n’en avons jamais vraiment discuté, c’était tacite entre nous. On travaillait 12 à 14 heures par jour. Dans cet épisode [ « The house that Jack built » ] Patrick était en vacances et avait tourné ses quelques scènes à l’avance. »

British film institute : (sur l’aspect mode)

Diana Rigg : « La mode était un aspect important : la série était en fait une des premières émissions de télévision à être à l’avant-garde de la mode. John Bates, designer, a fait un travail remarquable sur les robes. Allen Hugues sur la superbe combinaison de cuir, qui était en réalité particulièrement inconfortable, épouvantablement chaude et collante, mais elle montrait une belle silhouette il est vrai. Cela ne m’influençait pas dans ma vie personnelle. J’ai toujours porté des vêtements confortables (rires) Les voitures était superbes, les Lotus par exemple, mais c’était comme du carton : on ne pouvait même pas bousculer un Taxi, il nous aurait transformé en accordéon… Patrick conduisait de magnifiques anciennes voitures, très difficiles à conduire, surtout pour passer les vitesses. Le réalisateur nous disait de démarrer en trombe alors Patrick bondissait dans la voiture et CRRRRR CRRRR CRRRRR (elle mime le levier de vitesse) n’arrivait pas à démarrer (rires). »

British film institute : « Avez-vous été surprise du succès international de la série ? »

Diana Rigg : « Franchement, quand vous avez le nez dans le guidon vous ne vous attendez à rien, je n’avais aucune idée de ce qu’allait devenir cette série. Aucune. Et ce fut une belle surprise ! »

British film institute : « Et quand vous êtes passé à la couleur, qui était demandée par les diffuseurs Américains, cela vous a t-il apporté beaucoup de problèmes ? »

Diana Rigg : « Je ne m’en souviens pas particulièrement. Mais là [montrant l’écran qui vient de diffuser un épisode pour l’édition blu-ray], vous disiez à l’instant que j’avais été… euh… quel mot avez-vous employé ? »

British film institute : « Restauré ? »

Diana Rigg : « Oui ! (rires) J’ai été Restaurée ! (rires) Cela m’effrayait un peu, ils voulaient revenir en arrière et me restaurer (elle montre son visage en souriant). Non, la couleur a été un grand bond en avant. Je n’avais jamais réfléchi auparavant au fait que j’ai été le point d’inflexion de la série, qui a vu le passage du noir et blanc à la couleur (sourire). J’adore le noir et blanc, car l’éclairage est très particulier. J’adore les films en noir et blanc, ils rendent les femmes plus belles qu’en couleur, probablement à cause des ombres. »

British film institute : « La série a une longévité étonnante. Elle est un peu hors du temps, avec pourtant cet aspect sixties paradoxalement exagéré et ces personnages comme celui de Mme Peel. Que pensez-vous de ce succès ? »

Diana Rigg : « J’en suis ravie (rires). La série était en avance sur son temps, et on le doit aux scénaristes. On dit généralement que c’était eux qui étaient en avance sur leur temps, mais la réalité est moins belle : les scripts étaient conçus pour le duo Ian Endry / Patrick Macnee, et lorsque Ian a quitté la série et a été remplacé par Honor Blackman – magnifique – on a manqué de temps pour réécrire les scripts ! De sorte qu’elle s’est retrouvé avec un rôle masculin : elle tirait au revolver et se battait sans arrêt. Ce n’était pas que les scénaristes étaient en avance, c’était juste un heureux accident, dont on ne s’est jamais vanté… Elle est devenue ainsi une femme d’ « Avant-garde » (elle cite l’expression française) et j’ai été ravie plus tard de reprendre ce rôle. Ce rôle a été un point important de revendication des droits de la femme dans le monde. »

British film institute : « Elle avait le physique mais aussi l’intelligence. Dans beaucoup d’épisodes elle est beaucoup plus brillante que Steed (rires). »

Diana Rigg : « Oui, mais elle est assez intelligente pour ne pas le lui montrer ! (rires) »

British film institute : « Il y a eu un nombre étonnant de « Guest stars », comme Peter Cushing, Christopher Lee… »

Diana Rigg : « Oui, c’était un privilège que de jouer avec de tels acteurs. »

Question du public : « Quand tournerez-vous un film en français, et-cela vous ferait-il plaisir ? »

Diana Rigg : « Oui ! Je cherche du boulot ! (rires). J’ai une maison en France, que j’adore. J’adore la France et les Français. J’ai acheté cette maison quand j’ai eu 60 ans et j’ai toujours désespéré de ne pas mieux parler français. C’est une langue merveilleuse que j’ai toujours rêvée de parler. J’ai pris des cours au lycée français, où j’étais de trèèès loin l’élève la plus âgée. Il y avait à côté de moi une jeune fille nommée Eugénie. Le professeur nous a demandé quel était notre niveau. J’ai répondu « basique, scolaire uniquement, absolument épouvantable ». Et ma jolie voisine a à son tour répondu : et bien je connais deux mots « Champagne » et « Deauville » (rires). J’avais envie de lui répondre « Mais c’est les seuls dont tu as besoin, ma chérie ! ». Quoi qu’il en soit j’adore la France, et mon français est bien meilleur maintenant, dites-leur (en s’adressant au public) ! Oui, d’adoorerais faire un film en France. »

Question du public : « Un de mes épisodes favori est celui où vous rencontrez Linda Thorson. Lui avez-vous donné des conseils ? »

Diana Rigg : « Oh, vous êtes vraiment charmant (rires). Mais comment aurais-je osé ? Bien sûr que non ! Ce n’est franchement pas mon style. J’ai quitté la série et lui ai souhaité la plus grande réussite. »

Question du public : « Est-ce que la série vous a aidé dans votre carrière cinématographique ? »

Diana Rigg : « Non. C’est d’ailleurs très intéressant. Je pense qu’il y a un schisme entre télévision et cinéma : les producteurs et réalisateurs sont très frileux d’engager des gens qui viennent de la télévision. Très peu de gens ont fait une carrière au cinéma et franchement je ne comprends pas pourquoi. »

Traduction Godefroy Troude

 

Extraits d’interviews de Patrick Macnee, Diana Rigg…

– TV5 : « [Patrick Macnee], avec Diana Rigg vous étiez un couple extraordinaire ! »
– Patrick Macnee : « C’est elle qui était extraordinaire. Diana était une femme très particulière à tous points de vue : elle avait des cheveux magnifiques, elle était magnifique, elle était [élancée], très athlétique, mais c’était surtout une grande actrice. En fait j’avais beaucoup de chance ! (sourire). […] Elle était pleine de mouvements, comme dans le générique de la série : elle faisait du Tai-chi qui était un sport très méconnu à l’époque. Les gens pensait qu’elle dansait alors qu’elle [faisait des enchaînements] qu’elle pratiquait formidablement. […] La série représentait bien Carnaby street, qui dans les années 60 était le centre du monde de la mode. » (TV5 l’invité, décembre 2000)

– Patrick Macnee : « James Bond utilise les femmes pour se défendre ou se précipite pour les sauver. Steed, lui, est sauvé par les femmes (sourire) » (Patrick Macnee avec Terry Wogan, 1983)

– Diana Rigg : « Emma Peel était un personnage de télévision d’un type différent. Pour la première fois, une femme dans une série télévisée était intelligente, indépendante et capable de prendre soin d’elle-même. Voilà pourquoi la série devint si populaire : elle était le reflet de ce qui arrivait aux femmes de par le monde dans les années 60. » (Chapeau melon et bottes de cuir, par Alain Carrazé et Jean-Luc Petheaud, huitième Art, 1994)

– Patrick Macnee : « Cette série a marché car elle était bonne et innovante. Quand Honor Blackman, Diana Rigg et Linda Thorson sont arrivée dans la série – qui avait démarré avec 2 hommes – c’était en même temps le début du mouvement de libération de la femme qui a vraiment commencé vers 1960-1964 […] Nous avons aidé les femmes à aller vers l’égalité des chances […] Aujourd’hui elles dirigent des banques, des studios, et ces 20 dernières années j’ai principalement travaillé pour des femmes. […] Les plus grands fans de Chapeau melon et bottes de cuir sont des femmes. Je trouve intéressant que Steed soit le héros le moins sexiste de l’histoire de la télévision. […]
Honor Blackman après avoir joué dans un James Bond, [Goldfinger], m’a dit ‘Mon Dieu, Sean Connery c’est VRAIMENT un homme ! …Oh excuse-moi Pat !’ (sourire) Je ne suis pas un homosexuel refoulé. Ma femme Baba le sait bien et mes deux premières épouses aussi. J’aime les femmes, mais pas les dominer. […] Les hommes n’ont pas le droit de dominer les femmes, elles doivent être leurs égales. […]
Diana Rigg, était quelqu’un d’exceptionnel. On a débuté avec Honor Blackman qui était un personnage excitant, surtout habillé en cuir noir comme Cat Woman aujourd’hui. Le cuir, surtout quand il est ciré, ressemble à une seconde peau, et sur un corps de femme c’est très excitant… Cette allure dominatrice plaît au côté masochiste des hommes. Or Diana était douce, gentille et excellente comédienne. Elle portait les mêmes tenues mais elle personnifiait ce que les gens voulaient être. Ils pouvaient se mettre à la place de Diana Rigg quand elle se recoiffait après avoir assommé quatre hommes (avec un large sourire, il fait le geste de se recoiffer puis de frapper). […]
Linda Thorson était très populaire, surtout en France. Elle avait beaucoup de talent, était très jeune et très belle mais je ne lui ai pas prêté beaucoup d’attention car Diana me manquait. Mais maintenant que j’ai vu tous les épisodes je peux dire qu’elle était superbe et probablement la plus sexy de toutes. »
(Interview de Patrick Macnee par Bill Warren, Destination Séries, Canal Jimmy, 1992)

– Brian Clemens (scénariste) : « Chapeau melon et bottes de cuir a toujours eu des sous-entendus sexuels, mais il fallait être un peu cochon pour les voir, sinon c’était une série comme une autre. » (Brian Clemens, interview par Alain Carrazé, Destination Séries, Canal Jimmy, 1997).

 

Quelques mots supplémentaires

 

Il faut voir également l’amusante séquence de promotion pour la télévision de l’Allemagne de l’Ouest réalisée en 1967 :

Quelques dialogues amusants :
– Dans « S5-18 Le retour des cybernautes », après le départ d’un Steed proche de la jalousie, Peter Cushing lance à Mme Peel : « Steed peut se débrouiller seul ». Ce à quoi elle répond : « Oui, sans doute, mais je préfère le lui laisser ignorer ».
– Dans « S5-24 Mission très improbable », Steed est réduit à une taille de 5 cm environ. Mme Peel, le découvrant ainsi minuscule demande si tout est à l’échelle… Puis à la fin de l’épisode, alors que Mme Peel, réduite à son tour, reprend une taille normale et demande à Steed si tout est à la bonne taille en se retournant, Steed la regarde de bas en haut confirme avec un petit sourire.

Diana Rigg a évoqué son amour pour Patrick Macnee (ci-dessus, interview de 2015). On ne peut qu’y songer dans les dialogues et ses regards de cet épisode où Emma Peel quitte la série (« S5-25 Ne m’oubliez pas »).

Un hommage également à Honor Blackman

Honor Blackman, nous a hélas également quittés, en avril dernier, discrètement, pendant le confinement Covid-19.

Première partenaire de Patrick Macnee, elle apparaît dans la saison 2, elle imprime un rythme original à la série par ses tenues de cuir et son jeu très physique, qui donne son titre à la série en France. Elle surprend par ses prises de Judo dont Steed est victime avec élégance (« S2-01 Monsieur Nounours »), par son laboratoire photo où elle forme un Steed toujours plaisant (« S2-08 Mort d’un grand Danois »), son adresse à ridiculiser Steed par sa maîtrise de l’espagnol (« S2-13 Missive de mort ») et ses connaissances en astrophysique (« S2-21 La naine blanche »). Elle s’improvise également experte en comptabilité d’entreprise et en intègre le comité de direction à l’occasion d’une assemblée générale d’actionnaires en petit comité (« S2-04 Le point de mire »).

Au début de la saison 3, l’ambiguïté de la relation Steed-Gale s’accentue : Steed, s’émouvant de devoir quitter Cathy quelques jours, cherche désespérément à faire apparaître une émotion de tristesse sur le visage de Cathy Gale …en train de remonter un fusil automatique (« S3-02 Les fossoyeurs »). Et avec l’épisode « S3-03 L’homme aux deux ombres » la relation Steed-Gale prend sa tournure définitive avec petits regards, sourire coquins et confidences inaudibles (que l’on peut supposer érotiques). Une relation que reprendra Diana Rigg dans le personnage d’Emma Peel.

    
Honor Blackman, saisons 2 et 3, et en couvertude de Judo Illustrated

 

Honor Blackman comme Diana Rigg ont toutes deux quitté « Chapeau melon et bottes de cuir » pour interpréter un rôle féminin important dans un James Bond (« Goldfinger » pour la première, « Au service secret de sa majesté » pour la seconde) mais dans des rôles hélas bien éloignés de ceux de la série.

J’ai une affection particulière pour les personnages de Steed et Mme Peel, au point d’en avoir fait un pastiche avec ma sœur à l’occasion de notre anniversaire il y a quelques années (voir ci-dessous).

 

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