Apollo 11 : 4) 1963-1966 Les constructions


1967. Schéma de la fusée Saturn V, décrivant ses éléments principaux (NASA)

Le programme Apollo, après avoir validé les grandes lignes (trajet avec Rendez-vous en Orbite Lunaire « LOR », fusée Saturn V,  3 astronautes,  séjour de 1 à 3 jours), entre désormais dans une période de construction sans précédent en temps de paix : une centaine d’entreprises et de sous-traitants et 400 000 personnes pour créer des infrastructures et des machines totalement nouvelles.

Dans cet article :
1) La fusée Saturn V,
2) Le CSM (module de commande et de service)
3) Le LEM (module lunaire)
4) L’ordinateur de bord,
5) La combinaison spatiale,
6) Organisation, contrôles, tests, infrastructures.

 

1) La fusée Saturn V


1967. Schéma de la fusée Saturn V, décrivant ses éléments principaux (NASA)

L’élément le plus emblématique du programme Apollo est la fusée Saturn V, qui reste aujourd’hui la fusée (et la machine) la plus puissante que l’humanité ait jamais construite. La fiabilité des lanceurs Saturn était exemplaire pour l’époque : il n’ont connu aucun échec lors des 32 lancements (10 Saturn I, 9 Saturn IB, 13 Saturn V), ceci principalement en raison de tests et d’une organisation exemplaire (que j’aborderai en fin de cet article). Wernher von Braun joue un rôle central dans la conception de la fusée.


1964. Wernher von Braun dans son bureau — 1969. Devant Saturn V (NASA)

Description rapide des trois étages de Saturn V :


1967. Description du premier étage (NASA)

Le premier étage servait à propulser la fusée à 65 km d’altitude. Il ne fonctionnait que pendant 2mn30sec, au terme desquelles il était éjecté. Il était équipé de 5 nouveaux moteurs extrêmement puissants, nommés « F-1 », dont la conception s’est révélée terriblement compliquée. Pour des raisons de fiabilité il était propulsé par le couple classique kérosène + oxygène liquide. Mais les grandes dimensions du moteur le rendait très instable, pouvant mener à son explosion.


Fusée Saturn V (photo G. Troude) — Fusée N-1 (photo X) — Fusée Soyouz (CNES)

Les soviétiques avaient détecté ce problème de stabilité et pour avoir plus de puissance préféraient jumeler un très grand nombre de petits moteurs. Ci-dessus, comparaison des moteurs de Saturn V avec ceux de deux lanceurs soviétiques. De la gauche vers la droite : Saturn V et ses 5 gigantesques moteurs F-1 orientables (l’auteur de cet article est au dessous). Au milieu, la fusée soviétique N-1 et ses 30 moteurs fixes : concurrente aussi secrète que malheureuse de Saturn V dans la course à la Lune (4 lancements, 4 échecs), son existence ne fut révélée qu’après 1986. A droite, la fusée soviétique Soyouz et ses 32 moteurs fixes (20 moteurs fixes + 12 moteurs Verniers d’orientation) : cette fusée, d’aspect quasiment inchangé depuis le vol de Gagarine en 1961, est la plus fiable à l’heure actuelle.
Les américains mirent près de 7 ans à comprendre et maîtriser les phénomènes de turbulences se produisant dans la tuyère du moteur F-1. Au final, ce moteur s’est révélé d’une fiabilité remarquable et est toujours aujourd’hui le plus puissant ayant été utilisé (dans la catégorie kérosène + oxygène liquide).

1967. Description du deuxième étage (NASA)

Le second étage servait à propulser la fusée jusqu’à une altitude de 185 km, proche de l’orbite terrestre basse. Il fonctionnait durant 6mn30, au terme desquelles il était éjecté. Il était équipé de 5 moteurs totalement nouveaux dans leur conception, nommés « J-2 », utilisant hydrogène liquide + oxygène liquide et offrant un rendement supérieur de 50% environ (par rapport à un moteur classique kérosène + oxygène liquide). De plus, ils avaient la capacité unique à l’époque de pouvoir être éteints puis rallumés en vol. Bien que très novateurs, leur conception s’est révélée au final moins difficile que pour les moteur F-1 du premier étage. Le moteur de la navette spatiale (SSME, pour Space Shuttle Main Engine) a repris les bases du moteur J-2 avec un rendement dans le vide amélioré de près de 10%.

1967. Description du troisième étage (NASA)

Le troisième étage était allumé pendant 2mn30, servant à achever la mise sur orbite terrestre à 188 km, puis était éteint sans être éjecté.  En effet, après vérification en orbite que tous les systèmes étaient parés à poursuivre la mission, le troisième étage était rallumé pendant 6mn pour effectuer l’Injection Trans-Lunaire (TLI). C’est alors qu’il était éjecté à son tour.  Les astronautes disposaient alors de l’impulsion suffisante pour atteindre l’orbite lunaire 3 jours plus tard. Le troisième étage utilisait un unique moteur J-2 (le même modèle que ceux du 2ème étage).

Une précision sur le rallumage d’un moteur en impesanteur, qui était une première à l’époque et qui n’a rien de simple.


Une bouteille sur Terre, puis en impesanteur (schéma G. Troude)

Imaginons que le réservoir de la fusée est une bouteille et que le moteur est au niveau du bouchon de la bouteille (schéma ci-dessus). Au décollage depuis la Terre (image de gauche) les propergols tombent naturellement vers le moteur, mais en impesanteur la situation est totalement changée (image de droite) : le propergol flotte librement dans son réservoir et ne peut alimenter le moteur. La solution pour que le propergol atteigne le moteur consistait à allumer de petits propulseurs donnant une impulsion suffisante à la fusée pendant quelques dizaines de seconde, impliquant une accélération qui plaquait pendant ce bref laps de temps le propergol au fond du réservoir et permettait d’allumer le moteur.

 


1967. Description du quatrième étage : LEM et CSM (NASA)

Enfin, le quatrième étage était composé du « train lunaire » regroupant le CSM (Command and Service Module) et le LEM (Lunar Excursion Module) que nous allons détailler dans la section suivante.

Notes et références :
– « Saturn V » et le fonctionnement détaillé du lancement (Wikipedia)
– « Le moteur F-1 » (Wikipedia)
– « Le moteur J-2 » (Wikipedia)
– « Saturn the giant » par Wernher von Braun (NASA, en anglais)
– « Stations spatiales et fusées ailées » (NASA, en anglais)
– « N-1 (lanceur soviétique) » Wikipedia)

 

2) Le CSM (module de commande et de service)

Le Module de commande et de service est composé de deux parties :
– le Module de commande, en forme de cône (c’est à dire la capsule et les astronautes)
– le Module de service, en forme de cylindre (la petite fusée qui permettra de se mettre en orbite lunaire, puis d’en sortir pour pour rejoindre l’orbite terrestre).

   
1968? Le module de commande (schémas NASA) — 1968. Le module de service (illustration NASA)

Le module de commande était à l’époque le plus grand espace de vie artificiel au monde, fournissant pression atmosphérique, air respirable, régulation thermique à un équipage de trois personnes pendant une dizaine de jours. Il était constitué de quelque 2 millions de pièces. Sur les 110 mètres de l’ensemble de la fusée Saturn V, seul ce minuscule cône de 3 mètres de haut reviendra sur Terre (ceci donne une bonne vision des contraintes imposées par les lois de la physique, et en particulier celle de la gravitation). La large base du module de commande était formée par le bouclier de protection thermique permettant de supporter le freinage par frottement sur l’atmosphère terrestre.

Le module de service n’utilisait pas le performant moteur « J-2 » des 2ème et 3ème étages, mais un moteur classique, essentiellement pour des raisons de fiabilité. En effet, il aurait été complexe de conserver oxygène et hydrogène à l’état liquide pendant la durée totale de la mission pouvant atteindre une dizaine de jours. Aussi le moteur du module de service utilise un mélange classique (peroxyde d’azote + aérozine). De plus, toujours pour des raisons de fiabilité, les ergols ne sont pas envoyés au moteurs à l’aide d’une turbo-pompe (qui pourrait tomber en panne) mais simplement poussés par un gaz sous pression (de l’hélium).

L’ensemble Module de commande + Module de service ne pèse que 30 tonnes (pour mémoire, le projet de 1958 de von Braun avec trajet EOR aboutissait à un vaisseau de 200 tonnes). En astronautique, le problème majeur est celui de la masse, comme en témoigne ce rapport de la NASA de près de 1000 pages sur la consommation poids/carburant du Module de commande et de service !

Notes et références :
– « Module de commande et de service Apollo » (Wikipedia)

3) Le LEM (module lunaire)


1969. Le module lunaire (NASA)

Le module lunaire permettait aux astronautes de se poser sur la Lune. Baptisé « LEM » (pour Lunar Excursion Module) il était composé de deux étages :
– un étage de descente (en bas sur le schéma ci-dessus) dont le gros moteur fusée permettait de se poser en douceur sur la lune (la Lune n’ayant pas d’atmosphère, un freinage par parachute y est impossible). Une fois posé, cet étage restait sur le sol lunaire et servait de plateforme de lancement pour l’étage de remontée.
– un étage de remontée (en haut sur le schéma ci-dessus), accroché sur l’étage de descente, hébergeant les deux astronautes. En fin de mission, seul ce petit étage de remontée décollait pour rejoindre le CSM resté en orbite.

La forme du LEM, inhabituelle, voire inesthétique, est due à l’absence de contrainte aérodynamique. Elle résulte uniquement de contraintes techniques afin de garantir un poids minimal. Son aspect l’avait fait baptiser « Spider » (araignée).


1971. Coupe de l’étage de remontée, dissymétrique (NASA/Wikipedia)

Le plus frappant concerne l’étage de remontée, dissymétrique (sur le schéma ci-dessus à droite, l’excroissance sphérique à droite est due à la taille d’un réservoir). La diminution de poids est une préoccupation fondamentale. Par exemple les fauteuils sont remplacés par de simples filets pour soutenir les astronautes.

Le LEM fut rebaptisé ultérieurement « LM » (car le « E » de Excursion ne convenait pas au sérieux de la mission).

Notes et références :
– « Le module lunaire Apollo » (Wikipedia)
– « Apollo lunar module documentation » (NASA)

4) L’ordinateur de bord

Dès le programme Mercury, la NASA avait  utilisé des ordinateurs au sol pour les calculs de trajectoire. Avec le programme Gemini, la technique de rendez-vous en orbite nécessitait des calculs encore plus complexes. Et avec le programme Apollo s’ajoutaient encore d’autres problèmes :
a) D’abord la problématique de la trajectoire idéale de freinage pour se poser sur la Lune, qui est très délicat compte tenu du peu de carburant disponible. Ceux qui ont joué au très populaire jeu vidéo « Lunar lander » comprennent le problème, et pour les autres on peut y jouer (voir un peu plus bas*). On comprend rapidement pourquoi une informatique embarquée est nécessaire…
b) Le contact entre la capsule et les ordinateurs au sol était vital et la distance accentuait les problèmes de parasitage de communication radio.
c) Un délai incompressible de 1,5 seconde s’appliquait à toute communication radio, du fait des 400 000 km séparant la Terre et la Lune, ce qui faisait 3 secondes aller/retour rien que pour la transmission du signal.
d) Les communications avec la Terre seraient coupées pendant 40 minutes lorsque la capsule passerait derrière la Lune.
e) Enfin, la perspective d’effectuer plusieurs missions Apollo en même temps risquait de saturer le système informatique au sol.
Pour ces raisons il était souhaité d’embarquer un ordinateur à bord de la capsule.


1965. Le centre de calcul de la NASA (photo NASA)

Mais en 1961, un ordinateur était volumineux, lourd, et énergivore. Ainsi en 1965, la NASA avait acquis cinq exemplaires du tout nouveau IBM 7094, summum technologique de l’époque. Chacun d’eux occupait une surface de 12 m² avec son unité centrale et ses 8 lecteurs de bandes. Des progrès importants laissaient entrevoir la perspective de réduire l’ordinateur embarqué à 1 mètre cube, mais c’était encore trop. Finalement le projet sera simplifié : l’ordinateur embarqué ne dirigera pas toute la mission et sera un système auxiliaire tirant ses information d’ordinateurs plus puissants situés à Terre. Il ne sera autonome que pour assurer le retour de l’équipage à Terre.


L’AGC (NASA) et son intégration dans le LEM (NASA)

DSKY (Display & Keyboard) surnommé « Disky », sera intégré en deux exemplaire : un dans la capsule, et un dans le LEM. Son intégration à la mission sera si bien réalisée qu’il sera considéré comme le quatrième membre de l’équipage. Il sera le premier ordinateur à avoir recours aux circuits intégrés et pour sa conception son fabriquant, le MIT, achètera 60% des puces fabriquées aux États-Unis à l’époque. Le complexe programme pour se poser sur le sol lunaire sera développé par un nouvel embauché n’ayant que 22 ans.

Notes et références :
– « Les calculateurs de trajectoire temps réel situés au sol » (MaxQ)
– « Les ordinateurs de Mission Control  » (NASA, en anglais)
– « Le besoin d’un ordinateur embarqué » (NASA, en anglais)

* pour jouer à Atari « Lunar lander », accessible en ligne sur le site moonlander.seb.ly, appuyer sur la touche « 1 » du clavier pour lancer la partie avec 1 joueur. Les touches fléchées droite et gauche font pivoter le vaisseau, et les touches fléchées haut et bas font augmenter ou diminuer la puissance du moteur fusée.

 

5) La combinaison spatiale

Les combinaisons spatiales de l’avion fusée X-15, des capsules Mercury et Gemini n’étaient pas adaptées pour la marche lunaire. La combinaison assurait certes la pressurisation et le maintien d’une atmosphère respirable. Mais la régulation thermique était rapidement problématique : d’abord en raison des écarts thermiques extérieurs avec +150°C pour les parties exposées au soleil et -150°C pour les parties à l’ombre, mais aussi pour évacuer la chaleur et l’humidité dégagée par l’astronaute à l’intérieur de sa combinaison. Il fallait enfin se protéger des micro-météorites qui pourraient perforer et dépressuriser la combinaison (sans pression on ne peut plus respirer).

 
1962. Prototype Grumman — 1964. Prototypes RX-2 et RX-2A — 1965. RX-3

Le prototype Grumman de 1962 (ci-dessus à gauche) ressemblait plutôt à une boite de conserve avec des manches dont les parties souples de la combinaison devenaient trop rigides une fois pressurisées. Les autres prototypes de 1964 et 1965 (ci-dessus) étaient articulés mais trop lourds et rigides également. Finalement, ce sera Playtex, spécialiste du sous-vêtement féminin, qui produira la combinaison A7L (ci-dessous), plus souple et légère que les précédents prototypes.


1968. Sous-vêtement climatisé par tuyaux d’eau (photos extraites de vidéo* + photo NASA)

 
1968. Démonstration spectaculaire de rugby en combinaison A7L (photos extraites de vidéo*)

  
1968. Combinaison A7L, sans et avec surcouche externe (NASA) — Schéma A7L et « PLSS » (Time Life)

De couleur bleu foncé (ci-dessus à gauche), la combinaison A7L de Playtex n’était pas composée d’un assemblage d’éléments rigides comme les précédents prototypes, mais d’un unique torse rigide assemblé à des éléments souples. C’était la seule combinaison qui permettait à un astronaute tombé sur le sol lunaire de se remettre debout, et sa souplesse avait été illustrée de façon flagrante par une simulation de rugby filmée par Playtex (ci-dessus). La combinaison était ensuite recouverte d’une surcouche externe blanche de protection thermique et anti-micrométéorite.
Mais une fois placée dans le vide, la combinaison se rigidifiait du simple fait de la pression de l’air qu’elle contient (comme un ballon qui, une fois gonflé à fond, prend une forme que l’on peut difficilement changer). Aussi la combinaison n’était pressurisée qu’à 0,26 atmosphère (au lieu de 1 atmosphère sur Terre) et retrouvait une relative souplesse.
Cela posait néanmoins un nouveau problème car avec quatre fois moins d’air dans la combinaison (moins qu’au sommet de l’Himalaya), l’astronaute s’évanouirait rapidement par manque d’oxygène. Aussi la composition de l’air y était également modifiée : au lieu d’un air terrestre composé de 21% d’oxygène, l’air de la combinaison était composé de 100% d’oxygène, fournissant à l’astronaute autant d’oxygène que sur Terre malgré la pression 4 fois plus faible.

Ci-dessous, une vidéo* avec la démonstration de rugby évoquée ci-dessus et l’entraînement à la marche en gravité lunaire..

Notes et références :
– « Les scaphandres lunaires » (CapCom Espace)
– « La combinaison spatiale » (Wikipedia)
* Extrait de la série télévisée « 2008 A la conquête de la Lune – 05 La combinaison spatiale ».

6) L’organisation, contrôles, tests, infrastructures


Le programme Apollo a constitué un défi technologique pour la construction de la fusée, du vaisseau et de la combinaison spatiale. Mais, moins visible, ce programme représente un effort d’organisation fantastique, et de mise en place d’infrastructures de tests et de contrôle sans précédent en temps de paix.

a) Collaboration avec de nombreux constructeurs.

La NASA a contractualisé avec de nombreuses sociétés américaines et sous-traitants telles que Boeing, North American, Douglas Aircraft, IBM et Chrysler. Chacune d’elle étant chargée d’un élément clef de la fusée.

 
1966. Les 7 constructeurs de la fusée (NASA) — 1964. Les constructeurs du train lunaire (NASA)

Ci-dessus à gauche, les constructeurs impliqués dans la fusée Saturn V et la fusée de test Saturn I. A droite, ceux impliqués dans la construction de la partie supérieure, train lunaire (LEM et CSM). Certains constructeurs étaient également impliqués dans le programme parallèle Gemini.

b) Organisation

Apollo, c’est très rapidement une quarantaine d’entreprises américaines majeures et 400 000 personnes qui sont dédiées au projet. La mise en place de techniques de planifications GANTT, PERT, de plannings et méthodologies en tout genre a fait gagner plusieurs années pour arriver à l’objectif. Ci-dessous, quelques exemples glanés dans les documentation en ligne de la NASA.

      
1966. Diagramme PERT (NASA) — 1970 Diagramme GANTT (NASA) — 1966 Planning Apollo 11 (NASA)

   
1970. Problèmes/causes, graphe d’actions (Kollsman)

Le programme Apollo a permis d’affiner les techniques de calcul de la fiabilité et de mettre au point un grand nombre de techniques de gestion de projet : PERT, contrôle qualité, etc. Les tests ont représenté jusqu’à 50% de la charge de travail totale, avec des tests unitaires de chacun des composants, puis des tests de plus en plus coordonnés avec les autres éléments. Les méthodes organisationnelles d’Apollo (planification, gestion de crises, gestion de projet) ont fait école par la suite dans le monde de l’entreprise et ont été reprises par Airbus et Ariane. Il est regrettable que ce point soit quasiment absent du traitement médiatique du programme spatial, alors qu’il est particulièrement digne d’intérêt.

c) Simulations et tests

Des simulateurs particulièrement complexes ont été conçus : simulateur de vol, simulateur pour se poser sur le sol lunaire, entraînements en combinaison en piscine, simulateur de marche lunaire…


1966. Simulateurs CM et LEM (NASA) — 1964. LLTV (NASA) — 1968. Piscine d’apesanteur (schéma NASA)

Ci-dessus à gauche, la salle des simulateurs au Kennedy Space Center : le simulateur de Module de Commande et et de Module lunaire, permettant de simuler la mission depuis l’orbite terrestre jusqu’au sol lunaire. Au milieu le « lit-cage volant » LLTV, doté de moteurs à réaction simulant la gravité lunaire pour y poser le LEM : instables, deux se sont écrasés, manquant de tuer leur pilote (Neil Armstrong en réchappa de justesse peu de temps avant Apollo 11). Plus de détails dans cette vidéo NASA LLRV et LLTV (NASA). Enfin, à droite, la gigantesque piscine permettant d’immerger un CSM et LEM en entier pour simuler l’impesanteur d’une sortie extra-véhiculaire (EVA).

   
1967. EVA piscine (NASA) — 1969. EVA chambre à vide (NASA) — 1964 et 1967? Marche lunaire (NASA)

Ci-dessus à gauche, simulation d’une EVA en piscine sur réplique du CSM. Au milieu à gauche, simulation d’une EVA en chambre à vide (Buzz Aldrin peu avant Apollo 11). Notez le câble soulageant le poids de l’équipement dorsal. Au milieu à droite, marche dans un tore rotatif simulant la gravité lunaire (on retrouvera ce concept dans le film « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick sorti en salles peu après). A droite, simulateur de marche lunaire (dans les deux cas, des câbles soutiennent l’astronaute qui marche sur le mur latéral.

d) Construction de sites et outils hors normes.

Le programme Apollo a nécessité la constructions de centres de conception, de fabrication, d’assemblages hors normes, comme le VAB, les pas de tir 38A et 39A, les chambres à vide, et de machines originales telles le Crawler.

En 1961 la NASA prévoyait de faire décoller 100 Saturn par an, ce qui nécessitait de nouveaux sites de lancement, mais aussi une nouvelle méthode d’assemblage. En effet, jusqu’ici chaque fusée était assemblée sur son pas de tir, l’immobilisant parfois pendant des semaines voire des mois. Désormais, les fusées seraient assemblées dans un bâtiment dédié et transportées sur le pas de tir pour un décollage quelques heures plus tard.

 
1969. Une fusée Saturn V sortant du VAB (NASA) — Notre-Dame à côté du VAB (montage G. Troude)

Premier élément de cette nouvelle organisation, le VAB (Vehicule Assembly Building) est un bâtiment gigantesque, de 140 mètres de haut, permettant d’assembler 4 fusées Saturn V en même temps. Fin 1968, juste après le décollage d’Apollo 8, trois fusées Saturn V étaient en assemblage en même temps : Apollo 9, Apollo 10 et Apollo 11 dont on commençait l’assemblage. Ci-dessus à droite, une fusée Saturn V quitte le VAB pour son pas de tir. Au premier plan, en bas de l’image devant le VAB, le bâtiment du Centre de contrôle de lancement. Ci-dessus à droite, montage permettant de comparer le VAB à Notre-Dame de Paris. Plus d’informations sur Wikipedia.

 
1965, 1968 et 1998. Le pas de tir LC39A dédié aux missions Apollo (NASA)

Le pas de tir. Ci-dessus, plusieurs photos du « LC39A » : à gauche, en cours de construction en 1965, puis au milieu accueillant le lancement d’Apollo 8 en 1968 (cliquez sur l’image pour voir les détails du pas de tir). Enfin, à droite, une magnifique photo aérienne de 1998 montrant l’ensemble du complexe : en bas de l’image le VAB, puis la route « Crawlerway » menant aux pas de tir 38A et 39A en haut de l’image contre l’océan.

 
2000? Le crawler (NASA) — 1969. Transportant Apollo 11 et sa plateforme (NASA)

Le crawler. Construit à deux exemplaires et encore en activité aujourd’hui, il permet de déplacer les fusées verticalement, assemblées, jusqu’au pas de tir. Il était le plus grand véhicule roulant du monde jusqu’en 1978. Sur la photo de droite, le crawler est situé sous Saturn V et sa plateforme de lancement (on le discerne dans l’ombre de la plateforme). Plus d’informations sur Wikipedia.

 
1968. L’une des deux chambres à vide (schéma et photo NASA)

Deux chambres à vide permettaient de tester le matériel. Ci-dessus la chambre à vide « A », 36 mètres de haut, 20 mètres de diamètre, permettant de tester l’étanchéité du CSM complet, et sa résistance à la chaleur par des lampes de très forte puissance. Sur la photo de droite, notez la taille des quatre personnes au pied de la porte de la chambre, et le CSM derrière eux. La chambre reproduisait un vide correspondant à 200 km d’altitude, qui était atteint après 19 heures de pompage (détails ici, en anglais). Parmi les quatre personnes de la photo figurent les trois astronautes Joseph Kerwin, Vance Brand, Joseph Engle de la mission de test « 2TV-1 » qui simula au sol une mission Apollo de 7 jours dans des conditions quasiment réelles, si ce n’est la présence de la gravité terrestre au lieu de l’impesanteur. Les signatures au centre de la photo sont celles des astronautes.
Il existait une seconde chambre à vide « B », de 13 mètres de haut, 10 mètres de diamètre. La photo de Buzz Aldrin effectuant une EVA dans la section C) un peu plus haut a été prise dans cette seconde chambre.

e) Des centres de contrôle sans précédents.

Deux centres distincts ont été construits pour gérer la mission lunaire : l’un pour le lancement de la fusée, l’autre pour le reste de la mission.

   
1969. Launch Control Center : schéma puis photo lancement Apollo 11 et 12 (NASA)

Le centre de contrôle des lancements (Launch Control Center, LCC) a été construit sur le site même des lancements, à Cap Kennedy, à côté du VAB évoqué précédemment. Le LCC assurait le contrôle de la fusée jusqu’à la mise en orbite de son chargement (le train lunaire du LEM + CSM). Ci-dessus, le plan de la salle (à gauche), puis deux photos lors du lancement d’Apollo 11 et 12 montrant le centre en activité. La disposition des pupitres en rangées reflète les structures de la fusée et l’organisation globale du lancement, comme on peut le voir sur le schéma où apparaissent trois zones. De bas en haut : A) 4 rangées de pupitres des directeurs. B) 5 rangées de pupitres des superviseurs. C) 7 à 8 rangées des gestionnaires. Plus de détails ici : Le centre de contrôle de lancement, zone A, zone B, zone C, et le fonctionnement d’un pupitre (ces 5 liens sont en anglais). Le nombre de pupitres souligne la complexité de la fusée Saturn V. Les intervenants communiquaient par un réseau téléphonique interne. Le centre de contrôle des lancements était en tant que tel un modèle d’organisation humaine temps réel sans équivalent au monde, et ne sera probablement plus reproduit ni dépassé en raison de la généralisation de l’informatique qui ne nécessite plus autant de personnel. Plus de détails sur Wikipedia (en anglais).

 
1969 et 1975. Mission Control Center, Houston (plan NASA et photo NASA)

Le centre de contrôle de mission (Mission Control Center, MCC) familièrement appelé « Houston », est situé à plus de 1000 km vers l’Ouest, plus au centre des États-Unis. MCC prenait le contrôle de la fusée une fois arrivée en orbite terrestre, quelques minutes après le décollage. On note que le nombre de pupitres était considérablement moins élevé qu’au centre de contrôle de lancement.

 

Notes :
– Les illustrations de cette page sont d’époque et ont été nettoyées par mes soins. Elles correspondent aux meilleures disponibles sur le Web au moment de la rédaction de l’article.

 


Cet article fait partie d’une série consacrée à Apollo 11 :
1) La course à l’espace
2) Les préalables Mercury et Gemini
3) 1952-1962 : Les différents projets lunaires
4) 1963-1966 : Les constructions
5) 1966 : Le projet de mission lunaire en images
6) 1967-1969 Les vols de qualification
– 7) 1969 : La mission Apollo 11 en photos (en cours)
8) Le journal de la surface lunaire
9) Interview de Neil Armstrong
Apollo 11 : un discours déjà très moderne sur l’environnement

2 réponses sur “Apollo 11 : 4) 1963-1966 Les constructions”

    1. Bonjour Apolloman. Coïncidence. J’avais justement lu votre excellent article sur ce sujet et m’apprêtait à faire un correctif en ce sens. C’est fait. Merci à vous. Cordialement.

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