Le réchauffement climatique semble (enfin) sur la table


Le réchauffement climatique à la Une (extrait du 20 heures de TF1 du 25/12/2018)

Les perspectives du réchauffement climatique sont les plus inquiétantes que l’Humanité ait jamais eu à affronter collectivement.

L’espèce humaine, après seulement 5 millions d’années d’existence, est au cœur de la sixième extinction de masse qui est actuellement en cours. Mais contrairement aux dinosaures disparus il y a 66 millions d’années après 170 millions d’années d’existence, nous savons quelle est l’origine de cette extinction : c’est nous ! Et contrairement aux dinosaures nous pouvons également interrompre cette dégradation !

L’espèce humaine doit prouver qu’elle est plus intelligente qu’une pauvre colonie de bactérie qui meurt après avoir consommé toutes les ressources nutritives de sa petite boite de culture.

Une chronologie qui fait frémir

  • en 1972 parait la première étude d’ampleur projetant l’évolution de nos sociétés occidentales et les limites de sa croissance avec le rapport Meadows du Club de Rome. Le maintient de la trajectoire de croissance mène nos sociétés à un effondrement au XXIème siècle.
  • puis à partir de 1988, le GIEC remet à intervalles régulier des rapports sur le réchauffement climatique, confirmant son ampleur et son origine humaine.
  • en 1992 l’Union of Concerned Scientists et plus de 1 700 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats de prix Nobel de sciences alors en vie, signaient le « World Scientists’Warning to Humanity » montrant que l’humanité se trouvait sur une trajectoire de collision avec le monde naturel, l’appelant à des changements fondamentaux d’urgence pour éviter les conséquences qu’aurait fatalement la poursuite de notre comportement actuel.
  • en 2002, Jacques Chirac au sommet du développement durable de Johannesburg « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs […] Il est temps d’ouvrir les yeux. Sur tous les continents, les signaux d’alerte s’allument. […] Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Prenons garde que le XXIème siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’Humanité contre la Vie ».
  • en 2003, la France se fixe comme objectif de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990 (Jean-Pierre Raffarin lors de l’ouverture du GIEC à Paris).
  • en 2004, Michel Barnier co-signe une tribune dans le journal Le Monde expliquant clairement le problème. Extrait : « Il faut avoir le courage de le dire à nos concitoyens : l’accélération du réchauffement climatique est devenue une donnée structurelle de l’évolution de notre planète. C’est incontestablement le défi majeur auquel l’humanité doit faire face, sur le long terme, pour assurer son avenir. Les faits, corroborés par de nombreuses études scientifiques, sont patents » (j’avais archivé cet article qui m’avait marqué à l’époque).
  • en 2006 sortie de la conférence-documentaire « Une vérité qui dérange«  de Al Gore qui remporte le prix de Nobel de la Paix 2007 avec le GIEC. Ce n’est pas le prix Nobel de physique ou de chimie mais bien de la paix car c’est la paix mondiale qui est menacée par les conséquences du réchauffement climatique.
  • en 2015, la COP21 aboutit à l’Accord de Paris sur le climat, premier accord international visant à lutter contre le réchauffement climatique. François Hollande à la veille de la COP indiquait « Un accord sur le climat signifie renoncer à utiliser 80 % des ressources d’énergies fossiles facilement accessibles dont nous disposons encore. […] Même aujourd’hui, avec un accord qui pourrait être celui que l’on entrevoit avec les négociations et avec les contributions qui ont été déposées par chacun des États, nous sommes encore au dessus de 2 degrés, sans doute 3 degrés. »
  • en 2017, plus de 15 000 scientifiques lancent un appel sur l’état de la planète, 25 ans après l’appel de 1992.
  • en 2017, Nicolas Hulot présente le « Plan Climat » intensifiant – entre autres – la limitation des émissions de gaz à effet de serre portant la division par quatre de leur volume en 2050 à un objectif plus ambitieux de Neutralité Carbone en 2050.
  • en 2018, Jean Jouzel (co-président du GIEC pendant 13 ans) indiquait dans une conférence que depuis 30 ans le GIEC disait la même chose, et que seul le degré d’incertitude s’amenuise, et son coéquipier Pierre Larrouturou confirmait que la France, au lieu de tenir son engagement de -3% d’émission carbone est en fait à +3% !
  • Et récemment, Jean-Marc Jancovici, co-auteur du Pacte écologique signé par les candidats de la présidentielle 2007 et membre du Haut conseil pour le climat, indiquait parallèlement que le sujet aurait du mal à avancer tant que le réchauffement climatique et la décarbonisation de notre société ne ferait pas un sujet majeur du journal de 20 heures de TF1.

Aujourd’hui, après plusieurs décennies de perdues, il semble que ce sujet soit arrivé enfin au premier plan et devienne un sujet de société en France. Par la petite porte, via les Gilets jaunes puis une action en justice.

La taxe carbone

Le prix Nobel Jean Tirole expliquait récemment dans un article combien la taxe carbone était un moyen efficace de lutte contre le réchauffement climatique. En Suède elle est en place depuis 1991 (couplée à un allègement des taxes sur le travail) et contribue à la nette baisse des émissions de CO2 (alors qu’elles augmentent en France) tout en contribuant à la hausse du PIB.

En France, la taxe carbone, près avoir été proposée par Michel Rocard en 2009, accompagnée de compensations pour les ménages les plus modestes, a été mise en place en 2014 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Beaucoup de français n’ont découvert cette taxe carbone que fortuitement en 2018 à l’occasion de la hausse du prix à la pompe, dont l’essentiel venait du prix de vente de nos fournisseurs : l’Arabie Saoudite, Kazakhstan, Nigéria, Russie… La part de la hausse due à la taxe carbone n’est que de 3 et 6 centimes au litre pour le super et le gasoil. En 2018, elle est trois fois moins élevée qu’en Suède (44€ la tonne en France contre 120€ en Suède).

Une opinion publique paradoxale

Le 19/09/2018, suite à la démission de Nicolas Hulot, un sondage Sofres indique que 76% des français considèrent que le réchauffement climatique est un problème prioritaire ou important dans l’action du gouvernement.

Le 01/11/2018, près d’un mois plus tard, un sondage indique que 78% des français sont favorables au mouvement des Gilets jaunes né autour de la contestation du prix des carburants jugés excessifs en raison de l’augmentation de la taxe carbone.

Le 17/12/2018, quatre ONG lancent un recours en justice contre l’État français pour inaction face au réchauffement climatique, signée actuellement par 1,6 millions de français.

Il est paradoxal d’accuser le gouvernement d’inaction alors que c’est précisément une action sur la taxe carbone qui a déclenché le mouvement des Gilets jaunes, d’une ampleur sans précédent depuis mai 1968.

De plus, au sein du gouvernement, Nicolas Hulot à fait accélérer fortement la politique française avec le vote du « Plan Climat » en faisant voter l’arrêt des ventes de véhicules  essence/diesel en 2040 et surtout la neutralité carbone à horizon 2050. Enfin, en entrant au gouvernement en 2017 Nicolas Hulot avait baptisé son ministère « Ministère de la Transition écologique et solidaire », un ajout qui n’avait pas été chois par hasard avec des mesures d’accompagnement sociales sans précédent en France pour accompagner la transition écologique.

Le 27/09/2018, dans l’Émission politique, Édouard Philippe indiquait avec lucidité, alors que le mouvement des Gilets jaunes n’était pas encore lancé : « On ne va pas s’en sortir si, quand on prend une mesure fiscale courageuse, difficile, qui a un impact sur la vie quotidienne des gens, on nous dit « Ah oui mais là vous avez un impact sur la vie des gens, ce n’est pas bien », et en même temps « Vous ne bougez pas assez sur le sujet ».

Le sujet du réchauffement climatique semble enfin sur la table

Le mouvement des Gilets jaunes né de la hausse de la taxe carbone, appuyé depuis la semaine dernière par le recours en justice contre l’État a fait arriver le réchauffement climatique au journal de 20 heures des chaînes de télévision de France 2, et surtout de TF1. Les sujets ne sont pour l’instant présentés que comme un problème pour l’État, et non pour les citoyens. Mais c’est un début. Le Parisien souligne ce matin le paradoxe de l’opinion.

François de Rugy déclarait dans une interview de 20 minutes publiée aujourd’hui :  « J’ai été agréablement surpris. Je suis heureux que les citoyens s’expriment pour lutter contre le dérèglement climatique. [Néanmoins] une pétition pour le climat, oui je signe. Une pétition pour attaquer l’Etat, non. (…) Les ONG sont dans leur rôle d’aiguillon de l’opinion… Mais ce n’est pas dans un tribunal qu’on va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. »

Je suis personnellement totalement en phase avec cette déclaration, plus qu’avec le texte de la pétition (que j’ai signé). Mais ce qui bloque la décarbonisation de la France n’est pas uniquement l’État, c’est aussi l’opinion. Et à ce titre, le succès de cette pétition est pour moi le plus beau cadeau de Noël.

Que se passera t-il demain ? La justice va t-elle condamner le gouvernement pour avoir annulé l’augmentation de la taxe carbone sur l’année 2019 sous la pression des Gilets jaunes ? Puis les Gilets jaunes pour avoir contraint le gouvernement à cette suppression ?

 

[MAJ 27/12/2018] Le sujet fait l’Éditorial du journal Le Monde « La pétition française la plus signée de l’histoire« . Même si avec Internet il est plus facile de faire signer une pétition, le nombre de signataire est exceptionnel en effet. Le journal publie également  un entretien avec Lucile Schmid, vice-présidente du think tank La Fabrique écologique, expliquant que « la société française a pris la mesure de l’enjeu » et que le nombre de signataires dépasse l’électorat d’Europe Ecologie-Les-Verts.

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