Rapport sur l’environnement en France : une bible au sombre bilan masquant quelques bonnes surprises


Un bilan contrasté (extrait du site présentant le rapport, points négatifs colorés en rouge GTR*)

Le rapport 2019 sur l’environnement en France, édité par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, apporte une vision utile, nuancée et riche d’enseignements, compilant statistiques régionales, nationales, et internationales. Un livre de chevet.

Ce rapport, édité tous les quatre ans depuis 1994, confirme évidemment les dégradations dramatiques telles que l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité, et nos difficultés à atteindre nos engagements envers l’Accord de Paris. Néanmoins il montre que les durcissements de réglementation ne sont pas vains, comme en témoignent l’amélioration globale de la pollution de l’air, des cours d’eau, et de l’exposition aux pesticides. Les émissions de gaz à effet de serre des Français sont également en diminution, mais ce n’est plus le cas si l’on tient compte des produits importés (empreinte carbone).

 

Le rapport sur l’environnement en France

Le rapport intègre désormais des concepts planétaires à travers neuf « limites » :
– Changement climatique,
– Érosion de la biodiversité,
– Perturbation du cycle de l’azote, et du cycle du phosphore.
– Changements d’utilisation des sols,
– Acidification des océans,
– Utilisation mondiale de l’eau,
– Appauvrissement de l’ozone atmosphérique,
– Augmentation des aérosols dans l’atmosphère,
– Entités nouvelles dans l’atmosphère.

L’état de la France et du Monde pour chacune de ces limites est rassemblé dans le tableau ci-dessous :

État des limites planétaires (extrait page 12, remis en forme GTR**)

 

Le rapport intègre également désormais les importations carbone (ou « Empreinte carbone »).

Comparaison de l’empreinte carbone et de l’inventaire national en 2014 (extrait page 70)

 

Actuellement, l’empreinte carbone moyenne d’un Français est de 10,8 tonnes/an (6,6 tonnes d’émissions CO2 en France + 4,2 tonnes d’émissions importées). Pour limiter le réchauffement à +2°C à l’horizon 2100 il est nécessaire de limiter cette empreinte à environ 3 tonnes/an/habitant sur la période 2018-2100 (voir p. 70)

.

Pour fixer les esprits, 3 tonnes/habitant/an c’est (source Ademe):
– soit 10 000 km en avion (un aller/retour Paris-New York),
– soit 7 m2 de construction d’une maison,
– soit 52 m2 chauffés au fioul,
– soit 7 500 € de produits électroniques,
– soit 480 repas avec du bœuf (sur 730 repas par an),
– soit 12 000 km en voiture.

N’émettre que 3 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an va impliquer inévitablement des restrictions drastiques et des changements radicaux de modes de vie.

 

Annexe Environnement et Santé

À côté du Rapport sur l’environnement en France, une précieuse annexe « Environnement et santé » est aussi préoccupante que passionnante. Elle aborde en détail les impacts sanitaires :
1) du changement climatique,
2) des pollutions de l’air (extérieur et intérieur) et des nuisances sonores,
3) de l’exposition aux substances chimiques (pesticides, métaux lourds et nanomatériaux) et la contamination des eaux, sols et air,
4) et de l’exposition aux rayonnements.

Elle forme une base de connaissance solide, rationnelle, adaptée au cadre français (et outre-mer), d’une richesse et d’une homogénéité sans commune mesure avec les informations habituellement véhiculées par les médias. Elle permet de hiérarchiser l’impact sanitaire des 4 sujets ci-dessus et de les relativiser utilement les uns par rapport aux autres.

Le rapport mentionne également sur chaque sujet l’opinion de la population, mettant parfois en évidence une certaine irrationalité ou défaut d’information par rapport à la réalité. L’exemple le plus frappant concerne les rayonnements ionisants :


Expositions aux rayonnements ionisants (extrait de la page 84, remis en forme GTR***)

Le rapport écrit (page 79) : « En France, l’exposition au radon [gaz radioactif naturellement émis par le sous-sol] serait à l’origine de près de 3 000 décès par cancer du poumon chaque année (IRSN, Santé publique France), soit 10 % des victimes du cancer du poumon. […] Malgré des risques sanitaires élevés, l’exposition au radon ne représente cependant pas un sujet de préoccupation majeur pour les populations concernées ».
Autre paradoxe sur le même sujet (page 84), l’inquiétude face aux émissions radioactives du nucléaire civil est majeure alors que « L’exposition due aux rejets des installations nucléaires de base, des accidents nucléaires survenus à l’étranger et anciens essais nucléaires aériens représente 0,02 mSv par an soit 0,4 % de la dose moyenne totale ». Dans le graphe ci-dessus, les émissions du nucléaire civil sont dans la catégorie « Autres », sont dans l’épaisseur du trait, la plus grosse part étant les émissions naturelles de radon et les examens médicaux.

Ceci n’est évidemment qu’un exemple et les méconnaissances signalées par ce rapport portent hélas également sur d’autres chapitres. À l’heure où nos sociétés doivent opérer une révolution, globalement restrictive, dans nos modes de consommation et nos modes de vies, les données fondamentales de ce rapport doivent être comprises et partagées par tous.

 

En conclusion

Un document utile adapté aux citoyens français. Le niveau de détail de ce rapport et de son annexe aboutit inévitablement à une volumétrie de plusieurs centaines de pages, mais sa structure hiérarchique en rend sa lecture aisée. Et les deux pages de résumé, en pages 9 et 10, donnent déjà une solide vision de la situation. Ce devrait être un livre de chevet pour chaque citoyen. Je ne peux que vous encourager à le lire gratuitement sur le site du Ministère de la Transition écologique et solidaire.

Liens directs :

 

Notes

Modifications opérées sur les visuels :
* Le visuel illustrant cet article est une portion d’un visuel plus grand réalisé par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, J’ai retenu 4 éléments, et coloré en rouge ceux qui étaient négatifs. Dans son état initial, tous les éléments graphiques étaient verts, même ceux qui étaient négatifs.
** J’ai également effectué une légère remise en forme sur ce visuel pour dissiper un quiproquo, en remontant les deux dernières lignes du tableau (et accessoirement faisant ressortir clairement les noms des lignes et des colonnes). Dans son état initial, le tableau étant classé avec les situations les plus dégradées en début puis progressivement les moins dégradées. Or, visuellement, on pouvait croire par erreur que les zones blanches situées après les meilleurs résultats étaient qualitativement encore meilleurs. Alors qu’en fait ces zones blanches sont actuellement dans un état non défini dû à l’absence de seuil d’alerte. Il est ainsi possible qu’elles se révèlent ultérieurement rouges.
*** Ce tableau a également été remis en forme afin de mieux mettre en évidence les sources naturelles et artificielles.

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